lundi 26 juin 2017

Dernière lueur





Le crépuscule du soir arrive. Tout à l'heure un peu de pluie
est tombée. Tu ouvres un tiroir et y trouves
la photo du type, sachant qu'il a seulement deux ans
à vivre. Lui ne le sait pas, évidemment,
c'est pourquoi il peut poser devant l'appareil.
Comment saurait-il ce qui s'enracine dans sa tête
à cet instant ? Si l'on regarde vers la droite
à travers les branches et les troncs d'arbres, on peut apercevoir
les taches cramoisies des dernières lueurs du couchant. Pas d'ombres, ni
de demi-ombres. Un calme plat, humide…
Le type continue de poser. Je remets la photo
à sa place avec les autres et reporte
mon attention sur les dernières lueurs derrière les crêtes lointaines,
la lumière dorée sur les roses du jardin.
Puis, c'est plus fort que moi, je jette de nouveau un regard
à la photo. Le clin d'œil, le large sourire,
la cigarette canaille au coin des lèvres.



Raymond Carver, Poésie, Œuvres complètes 9, Ed. de l'Olivier,
trad. Jacqueline Huet, Jean-Pierre Carasso et Emmanuel Moses

2 commentaires:

  1. Belle réflexion tacite sur la mort, le meilleur Carver.

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    1. Cher Christian, j'ai l'impression que c'est pas si tacite que ça... En tous cas, l'un des derniers poèmes de l'ami Raymond, chez qui peu de textes sont à écarter...

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